#11 Bernard Lavilliers – Minha Selva (1994)

Il y a de la brume sur la rivière ce matin. Mon marcel sent fort la sueur. C’est qu’il fait rudement chaud dans ma jungle (« Minha Selva »), mille milliards de mille sabords. Mais comme j’ai chargé quatre bidons d’eau potable sur ma pirogue, ça devrait aller. Un crocodile s’est approché, je lui ai donné un coup de pagaie sur la tête. Il n’a pas aimé ça, le bougre. Je reprends alors ma route (again) au milieu de cette « abstraction végétale » où « la forêt prend des allures formidables de cathédrales dressées dans le clair-obcur ». Autrement dit, c’est touffu.

Paroles : Bernard Lavilliers

Musique : George Baux

Album : Champs du Possible

Label : Barclay

Enregistré à : Bruxelles (Studios ICP) ; Rio de Janeiro (Studio Impressao Digital) ; Toulouse (Cybernetic Art) ; Kinsgston (Tuff Gong Studios)

Sortie : 1994

La piste en une punchline: « Qui peut vivre ici. Des hommes qui n’ont jamais connu de loi. Je parle de la loi des hommes dont la nature ne veut pas. »

00.14’s : « Des pas au couchant se glissent dans la poussière du soleil » pour pousser la pirogue sur un fond de synthé et de rythme tropical.

01.01’s : Bernard enclenche la 4^ème sur sa pirogue, comme un poisson dans l’eau au milieu des chœurs et du synthé.

02.41’s et 04.01’s : La guitare de Bernard nous rappelle qu’on approche des rapides. Attention ce n’est pas l’Ardèche ou le Tarn, donc pas le temps de faire un selfie.

Veuillez lire attentivement cette notice avant d’écouter cette piste car elle contient des informations complètement subjectives mais néanmoins importantes pour vous. Gardez cette notice, vous pourriez avoir besoin de la relire. Cette piste vous a été personnellement prescrite. Ne la faites pas écouter à quelqu’un d’autre. Si vous ressentez un quelconque effet indésirable, baissez le volume.

Vert et noir : « le stéphanois »

Dans quel cas cette piste doit-elle être écoutée ? 

Pour préparer son voyage en pirogue en Amazonie, ou sa sortie en canoë dans le Verdon si le budget est plus serré.

Comment se fringuer pour écouter cette piste ? 

Chapeau, débardeur ou marcel blanc et short beige, ce qui permet de s’affranchir d’un anti-transpirant « roll-on » qui aurait permis de faire illusion quelques minutes seulement.

Que manger ou boire en écoutant cette piste ? 

Les vertus dépuratives d’un jus d’Aloe Vera pressé entre deux grosses pierres dénichées sur le rivage permettra d’éliminer les toxines.

Quels sont les effets indésirables éventuels  ?

Visionnage compulsif des VHS de « Jumanji » et d’Indiana Jones » (pouvant affecter 2 auditeurs sur 10).Transpiration bien trop intense (pouvant affecter 8 auditeurs sur 10). Allumage systématique des phares antibrouillard (pouvant affecter 9 auditeurs sur 10).

Bernard nous regarde droit dans les yeux à l’instar de la pochette de son opus If sorti en 1988, sur lequel figure « On the road again ». A noter que cette pochette concerne la réédition de 1995 avec le (grand) bonus « Melody Tempo Harmony » en duo avec Jimmy Cliff. La première pochette, celle de 1994, était très … différente … jugez par vous-même :

• Synopsis : On nous propose un parcours dans la jungle amazonienne. Un livre d’enfant s’anime et la caméra nous guide alors entre les herbes touffues, comme une pré-tentative de réalité virtuelle façon Futuroscope. A noter l’incrustation de dessins, parsemées de plans où Bernard sillonne la jungle.

• Critique de la rédaction : Belle ambition visuelle et technique. L’essentiel est là : il y a du vert à perte de vue.

• Note de la rédaction : 3 briquets sur 4.

Mato Grosso

« Sans un mot, avec des chefs, venus du Mato Grosso, c’est la selva qui t’enseigne, la solitude des rois.« 

Bordé par le Paraguay, la Bolivie et l’Amazonie, le Mato Grosso est un Etat du Brésil riche en biodiversité mais fortement touché par la déforestation.

• « Champs du possible » est le 15^ème album de Bernard Lavilliers depuis « Chanson pour ma mie » en 1968. Il atteindra la cinquième place du classement des ventes pendant deux semaines grâce au succès de « Melody Tempo Harmony ».

• « Minha Selva » est une chanson-témoin des nombreux voyages de Bernard Lavilliers, en Amérique du Sud par exemple. Lors d’un live en 1994, il déclare « cette chanson parle de la forêt d’Amazonie, dans laquelle vivent des hommes qui n’ont pas encore été contaminés par l’homme blanc et par la civilisation blanche »).

Des pas au couchant se glissent
Dans la poussière du soleil.
Des patios aux dalles lisses,
Des hamacs sans sommeil.
L’eau transparente qu’on rêve
Et qui jamais n’apparaît.
Vient la valse des regrets.
Noir labyrinthe des jungles
Où le chasseur disparaît,
Egorgé près de son flingue
Par le tigre qu’il voulait.
La chaleur et puis la fièvre
Et l’attente du passeur,
Voyageur.
Minha selva, minha selva.
Etre à l’aube des échecs
Seul avec des jivaros,
Sans un mot, avec des chefs
Venus du Mato Grosso.
C’est la selva qui t’enseigne
La solitude des rois,
La solitude.
Dans l’abstraction végétale,
La forêt prend des allures
Formidables de cathédrales
Dressés dans le clair-obscur.
Le temps n’est pas un chantage,
Il ne prouve pas le vécu.
Minha selva, minha selva.
Qui peut vivre ici, des hommes
Qui n’ont jamais connu de loi.
Je parle de la loi des hommes
Dont la nature ne veut pas,
Qui connaissent comme personne
Tout ce que vous ne saurez pas,
La selva
Minha selva, minha selva.

Par Ryme