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#20 Colette Magny – Les Tuileries (1964)

Nous sommes de joyeux bandits qui marchent le dimanche sur les grands boulevards. Nous bravons l’averse. Nous buvons la pluie. Sans aucun but, et pour le plaisir, nous marchons. Au bout des rues, nous disparaissons à droite ou à gauche. Il parait que nous faisons même quelques fois peur aux gens. Nous braquons la vie.

Paroles : Victor Hugo (poème Les Tuileries, 1847)

Musique : Colette Magny

Où trouver la piste ? : piste 1 sur 14

Durée de la piste : 2 min 30

Album : Mélocoton

Label : CBS

Sortie : 1964

La piste en une punchline : «  Nous vivons en somme. On est honnête homme. On n’est pas mouchard. On va le dimanche avec Lise ou Blanche, dîner chez Richard. »

00.10’s : Sur un délicat rythme swing jazz-manouche tout en retenue, notre périple en ville commence. La voix de Colette, lyrique et légèrement voilée, fait des merveilles pour nous accompagner dans cette déambulation à la Jean Valjean.

01.06’min : Le périple se poursuit entre voix suave et chaude et accords de guitare prêts à bondir pour la soutenir. La fusion est parfaite.

02.21’min : « Nous sommes des dieux! » On termine sur cette affirmation qui claque. « Nous avons l’ivresse, l’amour, la jeunesse« . Rien ne peut nous arriver. On pourrait même mourir tranquille … enfin le plus tard possible comme aurait dit Thierry Roland.

Veuillez lire attentivement cette notice avant d’écouter cette piste car elle contient des informations importantes pour vous. Gardez cette notice, vous pourriez avoir besoin de la relire. Cette piste vous a été personnellement prescrite. Ne la faites pas écouter à quelqu’un d’autre. Si vous ressentez un quelconque effet indésirable, baissez le volume.

Guitare et ribote

Dans quel cas cette piste peut-elle être écoutée ? 

Quand c’est le dimanche pluvieux, le dimanche d’automne, mais que vous êtes bien décidé à vivre goulûment et vite. D’abord en allant boire « comme dix » des bières Chez Richard, dans ce bar jouxtant les Tuileries. Ensuite, en allant écouter un spectacle de music-hall à Bobino. Et pourquoi pas en allant taper la converse aux danseuses à la sortie des coulisses. Ensuite, sous la pluie, en vagabondant dans la ville noire et en esquivant les « mouchards » qui vous avaient peut-être démasqué lors de votre braquage de la veille.

Comment écouter cette piste ?

Demandez donc au patron de l’estaminet de passer la piste, dans un phonographe si possible. Ensuite, à la manière d’un Antoine Roquentin dans La Nausée, délectez-vous profondément de cette piste qui fait swinguer délicatement Victor Hugo.

Que manger ou boire en écoutant cette piste ?

Un bon sauté de billets verts accompagné de sa sauce de pièces jaunes. Buvez des pintes pour bien faire passer le tout et réglez en carte bancaire.

Comment se fringuer pour écouter cette piste ?

Le mieux pour un braquage de banque, c’est quand même de privilégier une tenue sombre et qui n’attire pas trop l’attention … Vous enfilerez votre bonnet rouge plus tard.

Quels sont les effets indésirables éventuels  ?

Addiction trop forte à la liberté qui pourrait se terminer rapidement en angoisse existentielle, au fond d’une cellule de garde à vue.

Photographie : Nathalie Stern 

Devant un mur couleur d’automne, Colette Magny semble avoir trouvé quelque part sur la gauche une profondeur dans laquelle jeter son regard, profond lui aussi.

Ribote

« Nous bravons l’averse
Qui mouille nos peaux
Toujours en ribote »

Repas où l’on mange et où l’on boit avec excès. Donc être en ribote, c’est être en état d’ivresse, être soûl, éméché, ivre, saoul, imbibé, rempli, comble, farci, empli, truffé, gorgé, bondé, paqueté, plein, rassasié. Vous voyez l’idée ?

Colette Magny en 1972
photo : Jean-Pierre Roche, 1962

Protest song

  • A l’âge de 36 ans Colette Magny travaille comme secrétaire dactylo bilingue pour l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques créée en 1961 à la suite de l’OECE et du Plan Marshall) lorsqu’elle démissionne et commence à chanter professionnellement. De sa carrière dans la diplomatie internationale, Magny garde une maîtrise de l’anglais rare chez les Français de l’époque, ce qui en fait l’interprète idéale pour reprendre les classiques du jazz. 
  • Engagée, Colette Magny quitte le label CBS suite à l’album Melocoton et enregistre pour le label Le Chant du Monde, proche du Parti Communiste. Certaines de ses chansons jugées trop « provocantes » politiquement se retrouvent interdites de radio et de télévision. Colette Magny refuse les Olympia et autres salles classiques pour porter sa parole et sa musique dans les Fêtes de l’Huma, du PSU ou devant les usines.
  • Colette Magny lance en 1989 une campagne de financement, relayée par le magazine Télérama, pour l’aider à sortir son labum Kevork. Sans maison de disques alors, elle avait réussi à collecter les 300 000 francs nécessaires à l’enregistrement et la sortie du disque. Le crowdfunding existait déjà, et sans avoir besoin de parler anglais.
  • Artiste affectionnant l’expérimentation, elle s’essaye même au (début du) rap et au slam dans les années 1990. Dans beaucoup de ses albums, elle alterne le chant, le texte parlé et le cri. Elle meurt en 1997 dans l’indifférence médiatique.
  • Entre deux chansons, Colette Magny se confie sur le bonheur, sa manière de chanter, la société et la politique à la RTS.
  • Le 11 mai 1963, Magny interprète le standard de Jazz « Basin street blues » rendu célèbre par Louis Armstrong.

Nous sommes deux drôles
Aux larges épaules
Deux joyeux bandits
Sachant rire et battre
Mangeant comme quatre
Buvant comme dix

Quand vidant des litres
Nous cognons aux vitres
De l’estaminet
Le bourgeois difforme
Tremble en uniforme
Sous son gros bonnet

Nous vivons en somme
On est honnête homme
On n’est pas mouchard
On va le dimanche
Avec Lise ou Blanche
Dîner chez Richard

Nous vivons sans gîte
Goulûment et vite
Comme le moineau
Haussant nos caprices
Jusqu’aux cantatrices
De chez Bobino

La vie est diverse
Nous bravons l’averse
Qui mouille nos peaux
Toujours en ribote
Ayant peu de botte
Et point de chapeau

Nous avons l’ivresse
L’amour, la jeunesse
L’éclair dans les yeux
Des poings effroyables
Nous sommes des diables
Nous sommes des dieux

par Simdo

Références :

https://blogs.mediapart.fr/sefronia/blog/131018/indispensable-insoumise-colette-magny-anthologie-1958-1997

https://blogs.mediapart.fr/laviedevantsoi/blog/300817/il-est-urgent-de-redecouvrir-colette-magny-20-ans-apres-sa-disparition

https://www.telerama.fr/musique/colette-magny,-une-leo-ferre-au-feminin-injustement-oubliee,n5661869.php

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