đ„ P.R2B « Il faut y mettre du corps, il faut donner. »

DerriĂšre 1 chiffre et 3 lettres s’exprime P.R2B. DerriĂšre cette suite de caractĂšres en forme de formule d’algĂšbre dĂ©sincarnĂ©e s’expriment ses mĂ©lodies ciselĂ©es et ses textes percutants interprĂ©tĂ©s avec une impĂ©tueuse intensitĂ©. DĂ©voilĂ© en septembre dernier, son premier EP Des rĂȘves dĂ©ploie ses ondes sonores au rythme de pulsations crĂ©atrices sincĂšres et engagĂ©es. Si votre VO2max est au top, suivez P.R2B dans ses songes et laissez-vous alors entraĂźner par une dolce vita, un bal nocturne prĂšs de l’ocĂ©an et des surfeurs sur la plage, par un beau mois d’aoĂ»t. Un travelling onirique savoureux ponctuĂ© de captures de vie qui arrivent en jabs et uppercuts. Un EP Ă 6 titres qui pourrait bien vous procurer quelques hĂ©matomes de plaisir auditif.
A l’occasion de la sortie de son nouveau clip « Le film Ă l’envers », rencontre avec P.R2B.
Piste 1 : Salut P.R2B ! Câest un grand plaisir de pouvoir te poser quelques questions pour Piste 1. Comme tu le sais peut-ĂȘtre, nous parlons sur notre site de chansons françaises et francophones que nous aimons et que nous adorons ressortir du passĂ©. En 2018, on tâa dĂ©couverte avec une reprise de LĂ©o FerrĂ© Ă l’occasion de la sortie dâune compilation de La Souterraine. Comment sâest faite cette reprise surprenante et ce choix dâartiste et de chanson pour une premiĂšre apparition musicale ?
Ă lâĂ©poque, jâavais rencontrĂ© La Souterraine il y a peu de temps et ils avaient dĂ©jĂ enregistrĂ© presque la totalitĂ© de lâalbum de reprises de LĂ©o FerrĂ©. CâĂ©tait un projet quâils menaient depuis quelques temps avec Matthieu FerrĂ© (NDLR : fils de LĂ©o FerrĂ©). Benjamin de La Souterraine mâa demandĂ© quel Ă©tait mon rapport Ă FerrĂ©. Je lui ai dit que jâavais un lien trĂšs fort avec sa musique car on lâĂ©coutait beaucoup Ă la maison. Il mâa proposĂ© de choisir un morceau peu connu et de le reprendre. CâĂ©tait lâidĂ©e de lâalbum, reprendre des chansons peu connues. Jâai commencĂ© Ă me replonger dans la discographie de LĂ©o et jâai redĂ©couvert « Tu ne dis jamais rien » et je suis tombĂ©e par terre dâautant de puissance. Jâai voulu remplacer lâorchestration organique par une orchestration totalement synthĂ©tique et ça a commencĂ© comme ça !
On a Ă©tĂ© trĂšs sensible Ă ta plume et Ă lâintensitĂ© avec laquelle tu incarnes tes chansons. On a pu lire dans diverses interviews tes rĂ©fĂ©rences Ă Jacques Higelin, Brigitte Fontaine ou encore LĂ©o FerrĂ© donc, reconnus entre autres pour leur expressivitĂ© dĂ©bordante dans l’interprĂ©tation de leurs chansons. DĂ©crirais-tu Ă©galement tes chansons comme des Ćuvres expressives, presque âĂ fleur de peauâ ? Câest important pour toi de chanter avec cette intensitĂ© Ă©motionnelle ?
Oui absolument. Je crois que sinon je nâĂ©crirais pas, je ne chanterais pas ! Pour moi chanter câest raconter des histoires, les incarner. On est lĂ parce que ça brĂ»le, parce quâil y a urgence Ă dire. En tout cas, toutes les chansons qui me bouleversent ont toute cette force-lĂ . Il faut y mettre du corps, il faut donner. On ne peut pas ĂȘtre petit joueur.
En Ă©coutant ton EP, on a remarquĂ© Ă la fois un hĂ©ritage de chanson française plutĂŽt âclassiqueâ dans les textes et le chant, mais aussi beaucoup de clins dâoeil au hip/hop. Quelles places occupent relativement ces deux catĂ©gories dans ton esprit ?
Les deux sont extrĂȘmement importantes et intimement liĂ©es dans mon cas. Jâai toujours pu Ă©couter Brigitte Fontaine et puis Kanye West aprĂšs. Chacun va puiser dans son rĂ©pertoire dans son histoire musicale et invente. Et câest aussi ce que jâaime faire. Tordre les harmonies classiques avec des gros « sub 808 », toujours chercher le contraste, le paradoxe.
Dans plusieurs de tes chansons il y a une dimension onirique suivie, souvent, dâun retour Ă une rĂ©alitĂ© brute. Nous pensons notamment Ă la chanson âDes rĂȘvesâ qui Ă©voque certains malheurs contemporains (« le monde crĂšve et on sourit ») ou âOcean Foreverâ qui part sur une base romantique et finit sur une certaine critique de la vie Ă Paris (« je ne veux plus vivre Ă Paris [âŠ] lĂ -bas l’espoir s’est tari »). Certains aspects de notre Ă©poque ne te conviennent pas et c’est pour cela que ça transparaĂźt dans tes chansons ?
Câest sĂ»r que certains aspects de notre Ă©poque ne me conviennent pas ! Et je trouve que câest important dâen parler, de les prendre Ă bras le corps. Et en mĂȘme temps, je nâaime pas les chansons slogans, jâaime quand les idĂ©es se vivent comme dans la vie, force contre force. Et donc câest pour cela que jâaime parler dâamour et ensuite de violence sociale parce que tout cela se mĂ©lange tout le temps et câest tous ces contrastes qui font tout lâintĂ©rĂȘt de la vie. Il suffit de prendre lâexemple de lâamour transit. On sort de chez la personne quâon aime dâamour, on flotte on oublie le monde, et puis tout dâun coup quelque chose de la ville nous explose Ă la gueule. Câest lĂ que se trouve la chanson pour moi.
On est lĂ parce que ça brĂ»le, parce qu’il y a urgence Ă dire.
On a pu lire que tu es diplĂŽmĂ©e de la FEMIS. Nous aimons nous-mĂȘme envisager les chansons françaises comme des sortes de scĂ©narios et de films en soi et nous prenons du plaisir Ă les imaginer visuellement dans nos diffĂ©rents articles. Et toi, quelle place prend le cinĂ©ma, ou plus globalement lâimage, dans la crĂ©ation de tes chansons ?
Ha ! Câest une vaste question. Je crois quâon peut dire que le cinĂ©ma berce mon existence. Câest drĂŽle les films. Pendant 1h30, 2h, 3h on vit une autre vie, une vie qui a sa musique, sa lumiĂšre, ses sons, on ouvre un nouveau monde et puis on retourne Ă sa vie.
Jâai lâimpression depuis enfant que le cinĂ©ma me donne des vies Ă voir.
Alors, quand je commence Ă Ă©crire une chanson, tout cela revient, ma vie, mes vies au cinĂ©ma, celle que jâai vĂ©cu, celle que je crois avoir vĂ©cu et câest sur cette frontiĂšre tenue que je ride. Les images pour moi câest lâĂ©nigme quâon voit. Comme les tableaux.

Dâailleurs, aimerais-tu composer pour le septiĂšme art ?
Et bien je lâai dĂ©jĂ fait plusieurs fois. Jâai commencĂ© Ă composer pour le cinĂ©ma pendant mes Ă©tudes Ă la Femis. Jâai fait la musique dâune dizaine de courts mĂ©trages et jâai aussi fait la musique du premier long mĂ©trage de SaĂŻd Hamich (NDLR : Retour Ă BollĂšne, 2018).
Câest une chose que jâadore faire. Cela se rapproche du mĂ©tier dâacteur et de la composition, il faut trouver une voix au film. Jâaimerais en faire toute ma vie.
On sort de chez la personne quâon aime dâamour, on flotte on oublie le monde, et puis tout dâun coup quelque chose de la ville nous explose Ă la gueule. Câest lĂ que se trouve la chanson pour moi.
On a lu que tu avais fait beaucoup de choses seules jusqu’ici dans ton projet musical : Ă©criture, musique, clip ⊠Est ce quelque chose de naturel pour toi de tâentourer de partenaires artistiques extĂ©rieurs ou prĂ©fĂšres-tu garder un maximum de contrĂŽle sur ce que tu produis ?
Je ne veux pas ne pas rĂ©pondre Ă la question mais je me retrouve dans les deux rĂ©ponses. Je suis quelquâun qui travaille Ă©normĂ©ment et qui aime garder le contrĂŽle, car jâai les musiques dans la tĂȘte et des images que jâai envie de montrer. Mais tout cela, ça ne se fait jamais seule, câest toujours dans des rencontres, dans des liens artistiques trĂšs forts. Donc je ne voudrais jamais perdre les deux.
On en vient Ă une tribune plus libre ! Tu as le champ libre pour nous parler dâune chanson française qui te touche particuliĂšrement et dont tu as envie de nous faire part ! (Oui, seulement une, c’est cruel !)
Je dirais La symphonie pastorale de Brigitte Fontaine. Je ne pourrais pas lâexpliquer. Je crois que câest ça avec les claques. On ne sait pas. Dâabord le texte, la puissance. Et puis lâorchestration dâAresky qui en fait une Ćuvre presque classique.
Pour moi, câest comme un film de 5h cette chanson. Il faut juste se taire et Ă©couter.
Et comme nous connaissons tes fondements cinĂ©matographiques, tu as aussi le champ libre pour nous recommander un film qui te tient Ă coeur. (Oui, seulement un, c’est Ă©galement cruel !)
Hana Bi de Kitano. Je crois que câest un film absolu. Il a tout en lui. Câest comme sâil avait digĂ©rĂ© tout le cinĂ©ma du monde et quâil avait gardĂ© lâessence de chacun pour faire une Ćuvre dâune grĂące inĂ©galĂ©e. Je crois quâHana Bi câest vraiment le film rĂȘvĂ©. Si je devais expliquer ce quâest le cinĂ©ma je montrerais dâabord ce film.
DerniĂšre question que nous aimerions poser Ă chacune de nos fins dâinterview : en quelques mots, Ă quoi tient une chanson française/francophone aboutie d’aprĂšs toi ?
De lâĂąme, du cĆur, de la sueur, de la rage, et du style !
Merci infiniment Ă toi !!!

EP Des rĂȘves (paru le 11 septembre 2020/ NaĂŻve)
Tracklist :
- Des RĂȘves
- Dolce Vita
- Le film Ă l’envers
- La chanson du bal
- Océan Forever
- Le beau mois d’aoĂ»t
https://www.facebook.com/pauline.r2b/
https://www.instagram.com/p.r2b/?hl=fr
Propos recueillis par Ryme et Simdo
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Chouette article !!!
Cela donne envie de découvrir les univers de cette artiste.
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