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#21 Allain Leprest – Y’a rien qui s’passe (1986)

Le cadre photo est sur ma table de nuit. On me voit accoudé au café d’Omaha Beach avec tous mes compagnons, la barmaid et la môme. Tous ces personnages face à l’étendue de la mer tiennent à présent sur un tirage noir et blanc de quelques centimètres. Je les vois aller et venir, « dénouer leur godasses » en « secouant le sable et le varech », tourner autour du billard, contempler les « nimbus stratus de passage ». Ils semblent déambuler sans fin en somnambules, tourner en langueur comme des toupies usées par les embruns. Moi, « sur le papier de mon sandwich, j’écrivais des chansons à la main »…

Paroles : Allain Leprest

Musique : Allain Leprest et Romain Didier

Où trouver la piste ? : piste 7 sur 12

Durée de la piste : 3 min 53

Album : Mec

Sortie : 1986

Enregistré à : Studio EOL

Label : Disques Meys

La piste en une punchline : « Les vagues et les jours c’est pareil. On dort, on bronze, on baise, on dort. Les nuits d’orage, on se réveille sur un matelas de poissons morts. »

00.31’s : Allain a planté le décor dans le café d’Omaha Beach, l’accord tonitruant de synthé qui suit nous colle instantanément au fond du siège.

01.25’s : Y’a toujours rien qui s’passe.

03.04’min : Alors que le rideau se referme sur les sept thèmes identiques du café d’Omaha Beach, le thème de la chanson est ensuite repris cinq fois de suite sans parole. Synonyme d’un éternel recommencement ?

Veuillez lire attentivement cette notice avant d’écouter cette piste car elle contient des informations importantes pour vous. Gardez cette notice, vous pourriez avoir besoin de la relire. Cette piste vous a été personnellement prescrite. Ne la faites pas écouter à quelqu’un d’autre. Si vous ressentez un quelconque effet indésirable, baissez le volume.

Tu veux ma photo ?

Avant d’écouter la piste (conseillé) :

Allez dans le grenier et sortez les vieux clichés de la boîte en fer. Trouvez-en un avec un café ou un bar, par exemple la photo de vos vacances dans la baie de Somme, lorsque vous vous étiez arrêté dans le bar d’un bourg pour prendre un café. Mais bon sang qui était ce type qui vous tapait dans le dos ? Tel Patrick Modiano, empruntez les couloirs du temps …

En écoutant la piste (fortement conseillé) :

Rendez-vous dans votre cuisine et offrez-vous un sandwich accompagné d’une bonne mousse. Allumez le poste radio et branchez-vous sur Europe1 ( on vous conseille d’éteindre une fois le sandwich avalé).

Après l’écoute (bon y’en a marre des conseils de médecins, c’est comme vous voulez) :

Descendez illico au café du coin prendre un arabica. Arrivé devant, vous vous rendez compte que p****, c’est vrai que c’est fermé jusqu’à nouvel ordre. Observez alors autour de vous. Y-a-t-il quelque chose qui se passe ? Il ne reste plus qu’à remonter chez vous faire une partie de 421 …

Photographie : Alain Marouani

Les mains dans les poches, Allain regarde hors cadre. On aurait pu rester sur cette ambiance bleue du fond au costume, mais c’était sans compter sur cet ostensible « MEC » peint au pinceau de chantier naval.

421

« Les trois dés tombés de ma main
Il me manque toujours un as
Pour claquer un 421″

Le 421 est une sorte de jeu de dé qui se joue habituellement dans les bars. Le meilleur score possible à ce jeu est le 421, bien entendu. Si vous dépassez ce score, gare à la gueule de bois.

Parfum Leprest (ph: Rémi Le Bret)

  • Natif du Côtentin, Allain Leprest a principalement vécu à Ivry-sur-Seine et fréquentait régulièrement les lieux de spectacles et les bars de la ville auxquels il était fortement attaché : « La capitale c’est le milieu … et les pétales c’est la banlieue« .
  • Il écrivait parfois ses chansons sur des boîtes de cigarette, des tickets de caisse, des nappes en papier qu’il donnait parfois à ses amis. (Témoignage d’un ami d’Allain dans l’émissions Sur les Docks, France Culture, 2016)
  • Allain Leprest se définissait comme un artisan des mots :
    • « J’ai appris à faire des chansons en voyant mon père travailler le bois. Les mots c’est du bois. ça peut servir de canne, ça peut servir de ce qu’on veut. » (Centre Actualités, France 3 Orléans, 1999)
    • « Je vais aux mots comme je vais aux champignons ou comme je vais à la pêche. C’est pareil. » (interview de Philippe Nicolet sur NVP, 2003).
    • « C’est la vie qui porte la chanson. Je suis un voleur de mots, je cours les rues, je suis un grand marcheur. Et quand on me fait le bonheur de me dire que ces chansons sont agréables, j’ai envie de dire que ce sont les gens eux-mêmes qui les ont écrites. Moi je suis simplement un « monteur de legos », je remets les mots en place avec ce métier cette pratique que j’ai depuis 30 ans, peut être 35 ans, peut être beaucoup plus longtemps que ça. Je remets ces choses en place et je les redonne aux gens. » (Les mots de minuit, France 2, 2005)
  • Les chansons de Leprest étaient relativement peu diffusées par les médias. Lorsque le journaliste Philippe Lefait déclare en 2005 sut France 2 « quel gâchis que vous n’ayez pas été plus reconnu », Allain Leprest répond : « J’ai un statut énorme à défendre, c’est le statut du plus inconnu des chanteurs connus. » (Les mots de minuit, France 2, 2005)
  • En complément de l’écriture de ses chansons, Leprest dessinait et peignait. « La peinture elle me sert quand je n’ai rien à dire, lorsqu’il y a des mots qui manquent en quelque sorte. » (interview par Philippe Troyon, 1994)

peinture d’Allain Leprest

  • « Ya rien qui s’passe » (probablement lors de l’un de ses concerts à l’Européen, Paris, en 1998)
  • « Allain Leprest, l’oiseau bleu-granit » / Documentaire de Philippe Troyon (1994)
  • Dans son album « (Re)Donne-moi de mes nouvelles » (2005), la piste « Quel con a dit ? » fait écho à « Ya rien qui s’passe ». Leprest repasse retourne vingt ans plus tard dans le café d’Omaha Beach jouer au 421… « La barmaid est d’venue patronne, elle écoute des radios libres qui libèrent des chansons connes pour trois touristes à la dérive.. » Attention si vous voulez y aller : « Ya plus de sandwich, que des frites grasses, un plat du jours à 2 euros, un bordeaux plutôt dégueulasse entre poire et le livarot« .
  • Magnifique projet Leprest Symphonique porté par Romain Didier, accompagnateur et musicien historique de Leprest, Cyril Mokaiesh, Clarika, Enzo Enzo et Sanseverino.

Dans le café d’Omaha Beach
La barmaid écoute Europe 1
Sur le papier de mon sandwich
J’écris des chansons à la main
Elle met la table, elle débarrasse
Elle remplit les verres, je les vide
Quand ils sont vides, elle les remplace
L’air du large, c’est toujours humide

Y a rien qui s’passe

Les vagues et les jours c’est pareil
On dort on bronze on baise on dort
Les nuits d’orage on se réveille
Sur un matelas de poissons morts
Le soir, on dénoue ses godasses
On s’coue l’sable et le varech
Le lendemain, on les relace
On s’rait mieux de dormir avec

Y a rien qui s’passe

Omaha Beach ou Saint-Malo
La mer vient, repart et revient
Elle s’échine à faire son boulot
Que pourtant, ça la mène à rien
La mer, c’est comme tout, on s’en lasse
Quand elle aura léché la côte
On attendra la marée basse
Puis après… ben la marée haute !

Y a rien qui s’passe

Omaha Beach, drôle de dimanche
La môme rebeurre un sandwich
Son p’tit coeur bat entre deux tranches
Pour le grand brun qui mate ses miches
J’peux pas la trouver dégueulasse
Moi, c’est pour mille ans que je l’aime
Lui, il vide ses couilles et il s’casse
Et chuis tranquille jusqu’à la quinzaine

Y a rien qui s’passe

C’est du beau temps, c’est des averses
Des nimbus stratus de passage
Comme ces voyageurs de commerce
Qui claquent cent balles dans son corsage
« Marie beaux-seins, un cube de glace
Une paille et un verre de vin rose »
Moi si y a des trucs qui m’agacent
C’est de dire vingt fois la même chose

Y a rien qui s’passe

Vas-y qu’elle rebeurre un sandwich
Et le billard remue la queue
Les riches essaient de jouer aux riches
Mais les fauchés jouent mieux qu’eux
Le vent pousse sur la terrasse
Les trois dés tombés de ma main
Il me manque toujours un as
Pour claquer un 421

Y a rien qui s’passe

Aujourd’hui j’ai fait ma valse
Et j’ai replié mon courage
J’ai une plaie sur la chemise
Et un accroc sur le visage
Omaha Beach, pas une trace
S’en vont et reviennent les flots
Une éponge de mer efface
Un grand ciel vert comme un tableau

Y a rien qui s’passe…

par Ryme

Références :

https://www.franceculture.fr/emissions/l-heure-du-documentaire/les-mots-d-allain-leprest

https://next.liberation.fr/musique/2019/11/22/allain-leprest-a-fleur-de-mots_1765029

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1081398f

https://www.ina.fr/video/I11237605/allain-leprest-donne-moi-de-mes-nouvelles-video.html

https://www.ina.fr/video/OR00001246068/chateauroux-festival-darc-avec-allain-leprest-video.html

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