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đŸ”„ KLON « On essaie d’atteindre une Ă©nergie unanime. Â»

La nuit est dĂ©jĂ  tombĂ©e depuis un bail ce lundi soir de dĂ©cembre, et les sept membres de KLON sont autour d’une longue table en bois dans ce bar fermĂ© au public et presque vide du 18e arrondissement. A peine l’entretien commence que l’on ressent dĂ©jĂ  aisĂ©ment l’Ă©nergie d’un collectif soudĂ© au service de la construction d’un univers sur-mesure et sans Ă©quivoque. De ces solides fondations crĂ©atrices sont dĂ©jĂ  sortis deux titres, deux clips et deux sessions live dans lesquels les alchimies mutuelles font monter la tempĂ©rature. Ces agitations molĂ©culaires libĂ©ratrices prometteuses avaient retenu l’attention du briquet de Piste 1, qui est allĂ© Ă  leur rencontre. Interview !


Piste 1 : Salut KLON, merci pour la rencontre! On a pas trouvĂ© grand chose sur vous en prĂ©parant notre entrevue. Est-ce que vous aimez cultiver un mystĂšre, un aspect brut et froid comme le fait penser d’ailleurs votre logo ?

KLON : Oui, c’est une sorte de brutalisme. C’est notre style. On ne dĂ©bute pas, ça fait longtemps qu’on a créé le groupe. Avant KLON, on Ă©tait un collectif de rap. Vous parliez de chanson française en vous prĂ©sentant, on a toujours eu un fort rapport au texte de par le fait qu’on vient du rap.  Dans le rap on avait ce cĂŽtĂ© froid, mystique, presque religieux. Et notre nom KLON sonne comme un terme de gĂ©omĂ©trie allemande ou soviĂ©tique. Cette esthĂ©tique mystĂ©rieuse nous plaĂźt.  Mais, mis Ă  part cet aspect froid, ce qu’on produit est chaud, c’est un kiff et c’est aussi une sorte de critique d’une sociĂ©tĂ© qu’on trouve trĂšs froide.

Dans une de vos interviews rĂ©alisĂ©e pour Soul Kitchen, vous Ă©voquez le terme d’industrialisation. Vous vivez dans une maison ensemble, et les formes du logo du groupe nous ont aussi fait penser Ă  une sorte de dessin d’architecture, du Bauhaus allemand par exemple. C’est quoi votre rapport Ă  l’industrialisation : elle vous fascine, elle vous fait peur ?

On est un peu atterrĂ©s par la maniĂšre dont elle se passe. On est dans un monde hyper individualiste et froid : tout le monde est cachĂ© avec son tĂ©lĂ©phone, etc … Ça rejoint les images qu’on a créées pour le clip de notre morceau “Noise”. On a donc cette esthĂ©tique assez froide en apparence mais, derriĂšre, ce qu’on fait est chaud, et ce contraste est une maniĂšre pour nous de retourner cette impression qu’on a.

Au niveau des images, on a pas envie de s’étendre, de tout raconter de nous. On prĂ©fĂšre garder le mystĂšre pour que les gens viennent nous chercher.

C’est marrant puisque vous parlez du fait que ce vous produisez est “chaud”. Notre slogan chez Piste 1 c’est “La piste brĂ»le”, on a en tĂȘte ces images d’une chanson qui se consume quand on l’écoute 


Ah, vous allez kiffer notre prochain titre alors !

Et donc vous faites de la musique ensemble, dans la maison dans laquelle vous vivez tous ensemble aprĂšs votre rencontre au lycĂ©e. C’est ce qui apporte justement cette chaleur dont vous parlez ?

On s’est rencontrĂ©s dans des soirĂ©es quand on Ă©tait au lycĂ©e, oui. On freestylait ensemble, et il y a une sorte de “respect” entre rappeurs qui s’est instaurĂ© entre nous. Ça a Ă©tĂ© vraiment un coup de foudre alors qu’on Ă©tait dans des lycĂ©es diffĂ©rents. On se sapait aussi un peu pareil, on s’est tous reconnus.

On s’est donc rencontrĂ©s par le rap, et trĂšs rapidement on s’est dit qu’il y avait quelque chose Ă  faire ensemble. On a trĂšs rapidement voulu habiter ensemble car on ne souhaitait pas se voir que le weekend, ce n’était pas suffisant. Il fallait qu’on soit H-24 sur le projet. On avait un peu en tĂȘte le projet d’une factory. Et c’est aussi ce que notre logo symbolise d’ailleurs. Tout se crĂ©e lĂ -bas, dans cette maison. C’est notre QG artistique, on a nos studios, on produit tout chez nous. Et cette maison est aussi l’aboutissement d’un de nos rĂȘves.

En fait on a toujours eu un QG, mĂȘme quand on Ă©tait au lycĂ©e. On se retrouvait toujours Ă  l’époque dans un grenier  qu’on appelait la “SDJ” pour “Salle de jeu”, qui en rĂ©alitĂ© Ă©tait plus une “Salle de joints”. (rires) Et donc on a toujours Ă©tĂ© Ă  la recherche d’un endroit oĂč on pourrait ĂȘtre libres de faire absolument ce qu’on veut. On mettait Ă  l’époque des instrus en fond sonore, on freestylait, on pensait Ă  des idĂ©es de clips 


On a regardĂ© rĂ©cemment des vieilles vidĂ©os-souvenirs de cette Ă©poque, et on s’est rendu compte qu’au final on faisait toujours la mĂȘme chose aujourd’hui ! Il y a toujours eu cette envie pour nous de faire de la musique.

Vous vous ĂȘtes donc rencontrĂ©s dans une optique presque instantanĂ©e de crĂ©ation ?

Oui, clairement. Tout est venu de cette envie. Avant d’ĂȘtre potes, on voulait crĂ©er, Ă©crire, partager ensemble. On s’est captĂ©s, et on a rapidement compris qu’on avait cette mĂȘme sensibilitĂ©, qui Ă©tait presque magnĂ©tique. Il fallait qu’on fasse quelque chose ensemble, n’importe quoi. On a toujours eu notre projet musical, mais au dĂ©but on ne savait mĂȘme pas exactement dans quel sens aller, on avait 10 000 idĂ©es. Il y a plein de rĂȘves qu’on a en tĂȘte depuis notre rencontre, et aujourd’hui on est peut-ĂȘtre en train d’en rĂ©aliser un par la musique.

On a envie de faire beaucoup de choses et de rassembler autour de notre cause, qui est celle de l’amour, du vivre-ensemble, de la libertĂ© de vivre et de suivre ses rĂȘves.

Vous avez donc Ă©galement d’autres rĂȘves ?

On a tous un gros attrait pour le cinĂ©ma. On ne sait pas encore pour quand et c’est encore tĂŽt mais on a des envies de film, ou de dessin animĂ©, dont on parlait dĂ©jĂ  beaucoup Ă  l’époque de nos moments dans la “SDJ”. On a envie de raconter des histoires autrement que par la musique. On a envie de faire beaucoup de choses et de rassembler autour de notre cause, qui est celle de l’amour, du vivre-ensemble, de la libertĂ© de vivre et de suivre ses rĂȘves.

KLON ce n’est pas qu’un projet musical, c’est aussi la vie, la vie collective, qu’on partage avec plein de gens pour mettre encore plus d’énergie dans notre marmite.

Vos deux clips ont des teintes plutît sombres, et la couleur arrive à la fin 


Oui, il y a cette idĂ©e qu’on s’échappe ensemble vers quelque chose de plus colorĂ©, et qui nous correspond plus. Notre maison, nous l’avons souhaitĂ© comme un empire dans lequel on suit nos propres rĂȘves, on suit nos propres rĂšgles.

Autour de ça, on invite nos potes Ă  la maison qui se transforme alors en un lieu fĂ©dĂ©rateur, au-delĂ  mĂȘme de notre musique. Au-delĂ  de notre art musical, on a un art de vivre. KLON ce n’est pas qu’un projet musical, c’est aussi la vie, la vie collective, qu’on partage avec plein de gens pour mettre encore plus d’énergie dans notre marmite. Par exemple pour le clip de “West”, toute l’équipe de tournage a dormi trois jours Ă  la maison. On a Ă©tendu notre mode de vie familial Ă  ceux qui nous entourent.

image tirée du clip de West de KLON

Vous vous ĂȘtes entourĂ©s de vidĂ©astes pour vos clips ?

Des potos en fait ! Parfois on est obligĂ©s d’aller dĂ©marcher quand on ne connaĂźt pas les gens, mais on aime vraiment bosser avec nos potes. Parfois on rencontre aussi des gens avec qui on a envie de bosser, et ça devient rapidement nos potes. On aime bien se faire des potes ! (rires)

Finalement, vous vous rapprochez de la forme d’un collectif de rap, et vous venez justement de cette musique.

Le rap ce sont parfois des collectifs mais aussi des personnes toutes seules qui grattent dans leur coin. En tout cas à un moment il y a forcément du contact pour réussir à faire de la musique.

Mais oui, c’est vraiment l’esprit rap qu’on a gardĂ©. On part de rien, d’une carte son et d’un micro, et on enregistre, on fait du son. On se demande qui de nous sept sait faire quoi, et on se lance ! Quand on faisait du rap, on a produit 80 sons sur Soundcloud, quelques clips …

Et vous n’avez pas eu envie de poursuivre dans le rap ?

On a Ă©voluĂ©. Ça fait six ans qu’on se connaĂźt maintenant, c’est assez court, mais c’est en mĂȘme temps six ans de projets, de stratĂ©gies. Le projet KLON a deux ans, aujourd’hui, on a dĂ©jĂ  sorti nos deux premiers titres, mais on a dĂ©jĂ  beaucoup de travail derriĂšre nous.

image tirĂ©e du clip de « West » de KLON

On a Ă©voquĂ© le fait que vous venez du rap et l’attention que vous portez aux mots. C’est donc peut-ĂȘtre le moment de parler un peu de chansons FR. J’ai regardĂ© un peu les morceaux et artistes que vous citez dans vos interviews, et on y trouve par exemple du Pink Floyd, du John Maus mais surtout 
 du Laurent Voulzy.

Laurent Voulzy est parfois mal vu, moquĂ© pour sa fragilitĂ©, sa lĂ©gĂšretĂ©, mais au final c’est une rockstar ! C’est ce qui fait son charme d’ailleurs. Il a un dĂ©tachement, une nonchalance, mais il est trop fort.

On est beaucoup attachĂ©s Ă  la chanson française, par le texte, la poĂ©sie qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Pourquoi  ĂȘtes-vous attachĂ©s Ă  la chanson française ?

On est beaucoup attachĂ©s Ă  la chanson française, par le texte, la poĂ©sie qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Des gens commes Gainsbourg, les Rita Mitsouko 
 ce sont des groupes comme ce dernier qui nous font kiffer la culture française en vĂ©ritĂ©, qui font qu’on se sent fier d’y appartenir, sensibles Ă  elle, et qui nous donne alors envie de la promouvoir et de “perpĂ©tuer sa tradition”. Surtout dans le contexte d’aujourd’hui, on parle quand mĂȘme beaucoup en abrĂ©viations et on perd un peu de la poĂ©sie de cette langue tout de mĂȘme.

Il y a un peu deux effets contraires par rapport Ă  la langue française je trouve : un certain effet d’appauvrissement mais un gros effet de crĂ©ation Ă©galement, avec ce qu’apporte le rap par exemple. 

Oui complĂštement, et c’est grave cool aussi. AprĂšs, c’est vrai que quand on faisait du rap, c’était un style avec des rĂ©fĂ©rences un peu techniques que personne ne comprenait, on avait notre langage, dĂ©jĂ  un peu mystique. On a commencĂ© dans le rap conscient avec des rimes, aprĂšs on est allĂ©s vers un truc plus lĂ©ger, on a pris les codes de la trap lĂ©gĂšrement ego-trip. Vers la fin, on avait ce cĂŽtĂ© “fictif/cinĂ©ma” trĂšs imagĂ©, un peu story-telling, et ça a alors fait la transition vers KLON.

On est aussi assez attentifs aux sonoritĂ©s. L’énergie d’un mot, comment il va sonner, c’est hyper important. On porte une attention vraiment particuliĂšre au texte et quand on Ă©crit, ça prend trĂšs longtemps. On Ă©crit tous ensemble.

Vos chansons restent assez brutes dans les paroles. Vous élaguez beaucoup votre écriture à un moment donné ?

Oui, on peut parler d’une espĂšce de brutalisme, c’est vraiment ça. Une sorte de simplicitĂ© qu’on recherche dans le texte mais aussi dans beaucoup de projets qu’on fait. Des choses comprĂ©hensibles, vraiment parlantes, des idĂ©es claires tout simplement, que les gens peuvent s’approprier, en tout cas on l’espĂšre.

On ne veut pas faire de fioritures, pas de dĂ©tours, on essaie de trouver le mot parfait qui veut vraiment dire ce qu’on souhaite transmettre.

Vous recherchez des mots performatifs, des mots qui ont beaucoup d’efficacitĂ© ?

Oui tout Ă  fait ! Elaguer, c’est tout Ă  fait ce qu’on fait quand on crĂ©e un texte. On ne fait qu’élaguer, jusqu’au moment oĂč on a un truc mĂ©ga sharp, mais pas au sens pĂ©joratif. On veut choisir le meilleur mot pour transmettre nos Ă©motions. On ne veut pas faire de fioritures, pas de dĂ©tours, on essaie de trouver le mot parfait qui veut vraiment dire ce qu’on souhaite transmettre. On est touchĂ©s par ce genre de poĂ©sie, ce cĂŽtĂ© brut et sincĂšre. Ce n’est alors pas de la fausse poĂ©sie, lorsque tu embellis les phrases, avec des fleurs et du parfum.

Sentir ton coeur rouge / Sans qu’il ne s’essouffle

S’enfuir, le temps court / Sentir la terre rouge

Extrait de la piste « West » de KLON

Ça vous demande toujours du temps, ou alors vous pouvez trouver le bon mot trùs instinctivement ?

La crĂ©ation c’est compliquĂ©, tout dĂ©pend des moments. Il n’y a jamais de rĂšgles, il n’y a pas de recette. C’est toujours un peu un nouveau jour, une nouvelle journĂ©e, une nouvelle façon de composer. Le plus important c’est qu’on compose ensemble, et c’est ça qui prime. C’est ce collectif. On essaie d’atteindre une Ă©nergie unanime.

Et justement à partir de quand vous considérez que vous pouvez défendre votre chanson et la montrer au monde ?

C’est compliquĂ©. Les deux singles qu’on a sortis, ce sont des morceaux qu’on a remoulinĂ©s plein de fois. Cependant, il est vrai que quand on sort de sessions d’écriture, on peut avoir des petites interrogations mais il y a des Ă©lĂ©ments qui sont dĂ©jĂ  inscrits dans la pierre. On peut retoucher les textes si on se rend compte qu’il y a des phases qui n’allaient pas, mais en gĂ©nĂ©ral on le fait trĂšs peu. Une fois qu’on est tous les sept unanimes alors le texte est gravĂ© dans la roche et dĂ©fendable.

C’est aussi au feeling.  Ca ne s’intellectualise pas trop. Ce cĂŽtĂ© instinctif nous est cher. Et il faut vraiment qu’on Ă©coute notre coeur parce qu’en fait, on le sait tous facilement quand c’est bon. Quand un de nous sept est derriĂšre le micro, on sent tous Ă  un moment donnĂ©  qu’il faut garder “cette phase-là”, “cette interprĂ©tation-là”. On ne saurait pas expliquer pourquoi, on ne se base sur aucun critĂšre, juste sur une sensation, une Ă©motion qui se passe dans notre corps. C’est une transe collective. On sait alors qu’on a touchĂ© notre vĂ©ritĂ©.

Vous parlez de transe, ça fait du bien d’entendre cela. Quelle est votre expĂ©rience de la scĂšne et Ă  quel point avez-vous envie de la retrouver ?

On a trĂšs peu d’expĂ©rience, on a fait deux concerts en octobre 2019 et fin janvier 2020 Ă  la Cigale pour la premiĂšre partie d’Alice et Moi. C’était une super opportunitĂ© pour nous ! AprĂšs, ça s’est bien sĂ»r arrĂȘtĂ© net. On avait plein de concerts programmĂ©s, on Ă©tait prĂȘts Ă  tourner et lĂ  
 On n’a pas retouchĂ© Ă  la scĂšne depuis. On a fait des sessions live Ă  la maison.

Mais ce contexte historique qui nous a freinĂ© nous a finalement  poussĂ© Ă  nous remettre en question, encore et toujours. Sur les deux premiers concerts, on Ă©tait avec un ordi sur scĂšne. C’était cool mais on sentait qu’il y avait un truc de “sĂ©quence” pas trĂšs humain. On se lĂąche moins, il y a moins d’imprĂ©vus. Pendant ce confinement on s’est dit qu’on allait enlever l’ordi et se remettre derriĂšre la batterie. On est en train de mettre ça en place et c’est frustrant de ne pas pouvoir le montrer.

Quand tu joues de la musique c’est pour partager. Le public a besoin de ça et nous on en a besoin, en tant qu’artiste, pour prendre cette Ă©nergie. C’est une Ă©nergie mutuelle qui est transmise entre l’artiste et son public, qui est nourrissante pour tout le monde. En ce moment, on rĂ©pĂšte, on se fait kiffer tous les sept, on fait de la musique entre nous mais on fait de l’art pour que les autres se chauffent avec nous avant tout et pour partager notre vision des choses. En tout cas on s’est bien prĂ©parĂ©s. Quand le live va recommencer, on va mettre le feu Ă  la scĂšne !

DerniÚre petite question qui brûle : vous avez le champ libre pour nous donner chacun une chanson française que vous avez envie de partager !

Merci beaucoup pour votre disponibilité et votre répondant, on a hùte de vous revoir sur scÚne. Force à vous !


propos recueillis par Ryme et Simdo

Remerciements Ă  KLON et Ă  Nicolas Vandyck

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