đ„ Clio « Suivant mes humeurs, je peux me sentir davantage Ă un endroit quâĂ un autre. »
Ces paquets de clopes Ă moitiĂ© entamĂ©s gisant sur le buffet dĂ©sert, ces albums polaroĂŻds Ă moitiĂ© remplis qui ne seront jamais complĂ©tĂ©s, ces films d’auteurs poussiĂ©reux Ă moitiĂ© visionnĂ©s et aussitĂŽt abandonnĂ©s … regorgent pleinement du substrat de ces Ă©pisodiques rencontres dont la mĂ©moire aime se dĂ©lecter quand la nostalgie se pointe. Les chansons de Clio s’en nourrissent aussi et tombent souvent Ă pic quand nous prend l’irrĂ©sistible envie de les ressasser.
A l’occasion de la sortie de son troisiĂšme album L’amour hĂ©las, rencontre avec l’auteure-compositrice bisontine, metteuse-en-scĂšne en chansons de nos inestimables batifolages sentimentaux.
Piste 1 : Salut Clio! Je me demandais dĂ©jĂ le sentiment qui t’habite Ă la veille de la sortie de ton 3e album âLâamour HĂ©lasâ (NDLR : lâentretien a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© le 22 avril dernier), aprĂšs cette annĂ©e dâattente et dâincertitudes.
Clio : Jâai traversĂ© cette pĂ©riode sans mâennuyer du tout. On a fait un concert Ă La Cigale pour mon deuxiĂšme album juste avant le premier confinement. Puis, tout sâest interrompu, mais jâai tout le temps Ă©crit aprĂšs ça. Je nâai donc pas mal vĂ©cu cette pĂ©riode, au contraire je lâai attrapĂ©e pour Ă©crire beaucoup plus que ce que jâaurais pu faire autrement. Et puis, je nâimaginais pas du tout sortir un disque aussi vite aprĂšs mon deuxiĂšme album. Ce nâĂ©tait pas forcĂ©ment un projet que jâavais.
Je suis donc super contente que ça sorte. On a, en plus, toujours envie que la pĂ©riode entre le moment oĂč on ferme le studio aprĂšs lâenregistrement et le moment de la sortie soit le plus court possible. Parce que quand on vient de terminer quelque chose, on nâa pas envie que ça sâĂ©ternise, on dĂ©sire que ça sorte au plus vite. On a fini le disque en janvier et depuis le mois de janvier on est dans lâattente de demain. Je suis donc super contente que ce jour arrive.
Lâalbum a donc Ă©tĂ© composĂ© entiĂšrement aprĂšs la fin de ta prĂ©cĂ©dente tournĂ©e dĂ©but 2020, ou tu lâavais dĂ©jĂ commencĂ© un peu avant ?
Il nây a jamais de date prĂ©cise pour moi, car jâĂ©cris tout le temps, jâai toujours beaucoup de chansons en chantier et plein de textes, de petits bouts de musique en tĂȘte. Je ne fonctionne pas par phase dâĂ©criture ou autres, tout cela occupe rĂ©guliĂšrement mes journĂ©es. Avec bien Ă©videmment des pĂ©riodes plus denses que dâautres car il y a des pĂ©riodes oĂč je fais beaucoup dâautres choses et oĂč jâai donc moins de temps pour Ă©crire.
Jâavais donc dĂ©jĂ plein de bribes de textes qui Ă©taient dĂ©jĂ lĂ , et cette annĂ©e mâa permis de me recentrer sur mon Ă©criture et dâachever ces choses qui Ă©taient un peu Ă©parpillĂ©es.
« Dans ce troisiĂšme album, je dirais qu’il y a davantage de nostalgie mais moins de pessimisme sur les relations amoureuses. »

Ce quâon remarque dans ce troisiĂšme album Lâamour hĂ©las, câest quâon se situe toujours dans le thĂšme amoureux. Un thĂšme amoureux que tu chantes de maniĂšre souvent mĂ©lancolique, mais Ă©galement avec lĂ©gĂšretĂ©, dans le prolongement de ton deuxiĂšme album DĂ©jĂ Venise. Je trouve nĂ©anmoins que, sans plonger dans une mĂ©lancolie assourdissante, ce troisiĂšme album, tant au niveau des mĂ©lodies, des arrangements que des petits sons de synthĂ©, ressasse une plus grande mĂ©lancolie.
Le curseur se situe en effet un peu plus de ce cĂŽtĂ©-lĂ sur cet album, câest vrai. Mais je nâai pas lâimpression dâavoir fait un disque sombre pour autant, en comparaison justement Ă mon deuxiĂšme album. Dans ce deuxiĂšme album, je pense par exemple Ă la chanson âLes horodateursâ oĂč l’atmosphĂšre dĂ©crite Ă©tait trĂšs sombre et ennuyeuse. Dans ce troisiĂšme album, je dirais quâil y davantage de nostalgie mais moins de pessimisme sur les relations amoureuses. Câest en tout cas mon impression personnelle. Mais je trouve ce nouvel album plus nostalgique que le prĂ©cĂ©dent, oui.
Il est vrai quâon perçoit cette nostalgie dans lâalbum, avec un-e Ă©nonciateur-trice parlant trĂšs peu du temps prĂ©sent, mais davantage de souvenirs, de toutes sortes de rĂȘveries gravitant autour du passĂ©, quâon peut par exemple retrouver dans la chanson âRue de Pragueâ. Et ce, toujours autour du thĂšme de lâamour, dans ses ruptures, ses mĂ©sententes, avec Ă©galement une grande place accordĂ©e au thĂšme du dĂ©part et du voyage. Ici, sur le titre âTes nuits berlinoisesâ, le protagoniste dĂ©cide en effet de ne pas suivre son partenaire amoureux dans son pĂ©riple.
Oui, je pense quâil est autant question du temps qui passe que dâhistoires amoureuses dans ce disque-lĂ . CâĂ©tait moins le cas dans le prĂ©cĂ©dent. Câest de toute façon une question qui mâhabite beaucoup et qui est toujours prĂ©sente dans mon Ă©criture, mais peut-ĂȘtre que je lâai plus ressentie ces derniers-temps.
Et au-niveau de la maniĂšre dont tu construis tes chansons, on se situe depuis ton premier album dans des formats de chansons plutĂŽt courts qui te permettent de poser un cadre concis et dâexprimer ce que tu as envie dâexprimer de maniĂšre efficace. Je trouve que cette dimension est encore trĂšs prĂ©sente ici : exprimer en peu de mots une atmosphĂšre, des sensations, pour autant avec une grande intensitĂ©.
Câest trĂšs important dans mon Ă©criture. Il sâagit presque autant dâĂ©crire que de tailler ensuite dans tout ce que jâai Ă©crit, et câest un travail presque aussi long. Pour mes chansons, je trouve primordial de ne garder que le strict essentiel. Dans un couplet ou une strophe, dĂšs que jâai lâimpression de redire un tout petit peu ce que jâai pu dire avant, alors jâenlĂšve. Je me dĂ©barrasse ainsi de nombreux passages que jâaime tout de mĂȘme beaucoup mais qui sont redondants. Et jâessaye de ne jamais tomber dans la redondance. Ăa ne veut pas dire que jây arrive, mais en tout cas câest ma volontĂ©.
Moi, jâaime bien les chansons courtes. Et mĂȘme en tant quâauditrice dâautres chansons, câest un aspect que je trouve vraiment important. Que les textes ne s’Ă©parpillent pas. Pendant l’Ă©criture, on est pourtant au dĂ©part content de garder toutes ses idĂ©es, câest plus facile. Mais le travail nâest alors pas achevĂ©.
« Autant j’aime les films de Rohmer extrĂȘmement bavards, autant je suis pour des chansons parlantes mais pas bavardes. »
Ce nâest pas trop dur de parler dâun sujet aussi inĂ©puisable que lâamour en trĂšs peu de mots ? On connait ton affection pour le cinĂ©ma dâĂric Rohmer, et cela contraste avec ces longs dialogues Ă perte de vue, autour des Ă©tats dâĂąme de ses personnages, qui faisait tout le sel de son cinĂ©ma.
Câest dur de renoncer Ă des tournures quâon aime bien. Et dâune seule image jaillissent souvent plein dâautres images qui paraissent super parlantes et quâon a envie de replacer dans les textes. Mais autant jâaime ces films de Rohmer qui sont extrĂȘmement bavards, autant je suis pour des chansons parlantes mais pas bavardes, je ne sais pas comment le dire autrement.
On peut aussi noter dans ton album, en-dehors de son aspect plus nostalgique, une lĂ©gĂšretĂ© toujours prĂ©sente dans la forme. âAi-je perdu le nordâ est une chanson aux abords plutĂŽt pop et aux arrangements sautillants pour des paroles plutĂŽt lugubres â Yâa plus personne nulle part, est-ce que tout le monde est sourd, est-ce que tout le monde est mort ? â
Jâadore ces contrastes. Je trouve toujours que le cĂŽtĂ© lumineux des arrangements et des mĂ©lodies renforce encore plus le cĂŽtĂ© sombre du texte. Quand on essaye dâenfoncer le clou avec des arrangements sombres, quand toutes les choses vont dans le mĂȘme sens, ce nâest pas le plus intĂ©ressant.
En dehors de cette continuitĂ© artistique entre arrangements lumineux et paroles sombres que lâon notait dĂ©jĂ sur ton avant-dernier album DĂ©jĂ Venise il y aussi sur cet album des nouvelles maniĂšres dâĂ©crire pour toi. Je pense en particulier Ă la derniĂšre chanson âLâamour hĂ©lasâ, qui fonctionne sur le mode de la confidence personnelle : tu y avoues que câest lâamour, âhĂ©lasâ, qui inspire presque toutes tes chansons. Ce âhĂ©lasâ signifie quâĂ©crire de cette maniĂšre te fait aussi souffrir ?
Câest un âhĂ©lasâ ironique, qui fait semblant de sâexcuser alors quâen fait il ne sâexcuse de rien du tout. Je nâessaye mĂȘme pas dâĂ©crire en dehors de ce thĂšme amoureux car pour lâinstant câest le seul qui mâintĂ©resse et que jâaime explorer.
Câest vrai pour cette nouvelle maniĂšre dâĂ©crire. Jâai longtemps Ă©cartĂ© cette derniĂšre chanson du disque, car elle avait ce ton un peu diffĂ©rent de dâhabitude. Jây parle de ce que je fais, et câest un peu intimidant. Je me suis dâabord dit que jâallais garder cette chanson uniquement pour la scĂšne, mais on a quand mĂȘme essayĂ© dâen faire quelque chose avec les garçons avec lesquels jâai travaillĂ© ensuite sur les arrangements (NDLR : Florian Monchartre, Augustin Parsy et Paul Roman ). Finalement, en tant que derniĂšre chanson du disque, câest une maniĂšre de conclure qui est assez juste je crois.
Jâai de mon cĂŽtĂ© beaucoup aimĂ© cette derniĂšre chanson ! Et son enchaĂźnement avec âTes nuits berlinoisesâ prĂ©sent juste avant sur le disque est trĂšs rĂ©ussi. Tu parlais Ă lâinstant de tes musiciens, et sur cet avant-dernier morceau du disque, on prend plaisir Ă entendre de jolis riffs de guitare, il y a un cĂŽtĂ© instrumental trĂšs prĂ©sent qui contraste un peu avec le lĂ©ger Ă©lectro-pop qui accompagne beaucoup de tes chansons depuis ton deuxiĂšme album.
Ăa correspond Ă un moment en studio oĂč Paul et Augustin ont pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă arranger cette chanson ensemble. On a ressenti le vrai plaisir quâils ont eu Ă jouer de la musique pour de vrai, sans se contenter de plaquer les accords sur une bande quâon insĂšre ensuite dans Pro Tools. On a passĂ© beaucoup de temps en studio Ă jouer les chansons et Ă chanter en live, et je pense que ça se sent aussi dans certaines autres chansons.
âTes nuits berlinoisesâ Ă©tait pour moi une chanson sur laquelle on pouvait se permettre de tenter des choses. Jâavais dit Ă Paul et Augustin quâils pouvaient aller vers des directions diffĂ©rentes, pas forcĂ©ment centrĂ©es sur lâĂ©motion, puisque câest une chanson qui Ă©tait pour moi trĂšs lĂ©gĂšre, sur laquelle on pouvait sâamuser. Et au final, jâaime aussi beaucoup cette chanson.
Je nâai pas encore abordĂ© avec toi ce duo avec Iggy Pop sur âLâAppartementâ. Jâai en tĂȘte ses albums de reprises de certains classiques de la chanson françaises comme âLes feuilles mortesâ ou âLa javanaiseâ. Câest ce qui tâa attirĂ© aussi pour lui proposer ce duo ?
Jâadore ses versions des chansons que tu cites. Câest justement ses chansons en français qui contiennent la voix que jâimaginais en composant ma chanson, une voix trĂšs grave avec un accent anglais. Je ne me lâexplique pas tout Ă fait, mais câĂ©tait vraiment ce genre de voix que jâimaginais pour lâaccompagner.
Mon manager mâa fait réécouter les chansons quâIggy Pop chante en français. Je les ai Ă©coutĂ©s en boucle, sa voix y est magnifique. Câest devenu alors essentiel pour moi de lui proposer cette chanson, car câĂ©tait vraiment la voix que jâimaginais, et je ne pouvais pas ne pas tenter le coup. Et ça a marchĂ©.
Revenons-en au thĂšme amoureux de cet album. Certaines chansons comme âTes nuits berlinoisesâ ou âLa belle affaireâ Ă©voquent lâenvie dâindĂ©pendance sentimentale, et dâautres le dĂ©sir dâĂȘtre accompagnĂ© de lâĂȘtre aimĂ© (âJe me souviens de nousâ ou âQuelquâun quelque partâ). Cette tension amoureuse est prĂ©sente tout au long du disque.
Oui, câest vrai, et tout ce que je peux ressentir se situe dans cette tension-lĂ . Câest le point de dĂ©part de toutes les rencontres et de toutes les ruptures (rires). Il y a toujours un mĂ©lange entre cette envie dâindĂ©pendance, ou en tout cas le fait de faire croire Ă soi et aux autres quâon assume cette indĂ©pendance, et puis le fait de rĂȘver dâĂȘtre bien avec quelquâun. Et pour le coup, câest plus facile de âfaire le malinâ en se disant quâon a envie dâĂȘtre indĂ©pendant que dâassumer le fait de dire quâon a envie dâĂȘtre avec quelquâun, en tout cas dans mes chansons.
Beaucoup de tes chansons font rĂ©fĂ©rences Ă des villes ou des lieux : Saint-Malo ou le boulevard Haussmann sur ton premier album, Venise ou le Louvre sur ton second, et Stockholm, Berlin ou encore la rue de Prague dans celui-ci. Tu ressens parfois le besoin dâancrer tes chansons dans un endroit en particulier, ça tâaide ?
Je ne sais pas si ça mâaide mais je suis trĂšs sensible aux lieux. Je rĂȘve mĂȘme souvent de lieux diffĂ©rents pendant mes journĂ©es. Câest trĂšs important pour moi et trĂšs Ă©vocateur. Suivant mes humeurs, je peux me sentir davantage Ă un endroit quâĂ un autre. Je me balade toujours quelque part dans ma tĂȘte.

Ă partir de quand tu commences Ă ĂȘtre satisfaite dâune de tes chansons au point dâimaginer lâenregistrer puis la dĂ©fendre sur scĂšne ? Quels-sont ses ingrĂ©dients essentiels pour toi ?
Jâai dĂ©jĂ besoin de savoir oĂč je veux aller avec mon texte. Si je ne sais pas ce que je raconte, que ce nâest pas clair ou quâil y a plusieurs directions possibles pour cette chanson dans ma tĂȘte, jâestime alors quâelle nâest pas du tout finie. AprĂšs, je commence Ă ressentir quâun objet va devenir une vraie chanson quand jâai une sorte de structure gĂ©nĂ©rale, câest-Ă -dire un couplet, un refrain et une direction de texte. Jâai des quantitĂ©s dâĂ©lĂ©ments qui ne sont pas encore des chansons, dans mes mĂ©mos vocaux ou dans mes cahiers. Et il suffit quelquefois dâune ligne de quelques accords de claviers pour que la chanson se lance. En tout cas, il me faut cette trame gĂ©nĂ©rale.
On peut dâailleurs voir que les chansons que tu interprĂštes de maniĂšre acoustique seule au clavier se tiennent dĂ©jĂ parfaitement.
Mes chansons sont de toutes façons dâabord des objets qui contiennent juste une voix et des mains qui jouent du piano. Il y a donc dâabord cette matiĂšre qui se tient du dĂ©but Ă la fin des albums, et dont on fait parfois autre chose par la suite. Mais je ne mĂ©lange pas les choses, je commence dâabord avec des produits trĂšs finis au niveau des accords, mĂ©lodies, textes. Et tant que ce socle nâest pas terminĂ©, je nâenvoie mes chansons Ă personne. Je nâaime pas partager mes brouillons.
Merci pour ton temps Clio, pour terminer tu as le choix de nous citer une chanson francophone qui te tient Ă cĆur.
Ma chanson prĂ©fĂ©rĂ©e toutes catĂ©gories confondues câest âVienneâ de Barbara. Câest un grand classique, et je trouve quâil nây a rien de plus beau. Il y en a plein dâautres que jâaime, mais je pourrais Ă©couter celle-ci tous les jours et tout le temps sans jamais mâennuyer. William Sheller lâa Ă©galement reprise, et câest super beau aussi.
Câest pour cela que le personnage de ta chanson âTes nuits berlinoisesâ aurait prĂ©fĂ©rĂ© aller Ă Vienne quâĂ Berlin ?
Exactement, et dâailleurs il est furtivement question de cette chanson de Barbara dans ma chanson. âMoi jâimaginais Vienne, sa chanson, son piano, quâun vieux train nous emmĂšne au loin Loune datte chi mou.â âLoune datte chi mouâ, câest un lieu qui nâexiste pas et que Barbara a inventĂ© dans la chanson âVienneâ.
Clio x L’amour hĂ©las x paru le 23 avril 2021 (uGo&play/Un Plan Simple)

Les pistes de l’album :
- Ai-je perdu le nord ?
- Elle voudrait
- L’appartement (en duo avec Iggy Pop)
- La belle affaire
- Je me souviens de nous
- Quelqu’un quelque part
- Rue de Prague
- Vertige
- Tes nuits berlinoises
- L’amour hĂ©las
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Propos recueillis par Simdo
Remerciements Ă Margaux Charmel
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