đ„ Barrio Colette « Chaque chanson correspond Ă une maniĂšre pour chacun-e dâentre nous dâexprimer ses problĂšmes. »

Au commencement, tout est parti dâun faux spectacle de magie ⊠à lâarrivĂ©e, tout s’est reconstituĂ© sous la forme d’un groupe de potes dont les chansons sâexpriment avec une gouaille sidĂ©rante en regardant la vie et ses multiples problĂšmes dans les yeux, avec amour. Et câest tout aussi magique ! Cavalant dans les faubourgs genevois, Barrio Colette se sert de ses tiraillements comme autant de tremplins propices Ă lâexpression de ses accords tranchants, ses rythme psychĂ©, ses paroles vibrantes et ses gloussements ravageurs.
Rencontre avec le groupe suisse dont lâhĂ©donisme nâa pas fini de faire causer.
Piste 1 : Salut Anissa et NoĂ©mie. Câest un plaisir de vous avoir pour discuter de votre premier EP « Amour de vivre ». NoĂ©mie, Ă la base câest bien toi qui est Ă lâorigine du groupe ?
NoĂ©mie : Non, câest ce quâon nous dit souvent mais câest une lĂ©gende ! En fait, Ă la base Anissa et moi on faisait un faux canular de spectacle de magie et on nous a proposĂ© de faire un concert. Anissa avait dĂ©jĂ un groupe et je lâai alors accompagnĂ©e deux fois Ă cette occasion. Robin Girod de Cheptel Records nous a alors incitĂ© Ă continuer Ă faire de la musique ensemble, et on y est allĂ© Ă fond. On a ensuite proposĂ© Ă Nicolas qui revenait de Paris de nous rejoindre et le groupe sâest formĂ©.
Noémie, en dehors de Barrio Colette, tu es actrice de théùtre ?
NoĂ©mie : Oui. Ăa fait 6, 7 ans que je tourne, et souvent dans les piĂšces je voulais chanter, jâĂ©tais toujours lĂ Ă ramener ma chanson, et jâai dĂ» caler cette envie Ă un autre endroit parce que je commençais Ă saouler un peu les metteurs en scĂšne. (rires) Ce plaisir de chanter il fallait vraiment que je le canalise !
DĂšs le dĂ©but de la crĂ©ation du groupe, vous avez donc Ă©tĂ© suivis par le label genevois Cheptel Records, qui a inclus votre titre âFaçon façonâ dans une de ses compilations. Câest personnellement comme cela que je vous ai dĂ©couvert, et ce morceau a eu un petit succĂšs car il est mĂȘme passĂ© Ă la radio suisse il me semble ?
Anissa : Le titre a plu aux gens je crois avec sa production un peu âvieille Franceâ qui a fait quelque chose. Il a donc eu un certain retentissement et est passĂ© dans plein de radios, ce qui Ă©tait hyper chouette et en mĂȘme temps inattendu car le groupe nâĂ©tait pas encore vraiment formĂ©. A lâĂ©poque de la production de ce titre, câĂ©tait dâautres musiciens qui ont jouĂ© dessus, avec moi et NoĂ©mie. Nicolas n’Ă©tait pas encore lĂ . Mais lâidĂ©e Ă©tait dĂ©jĂ que NoĂ©mie chante ses textes, dĂ©ploie sa voix et quâelle soit entourĂ©e de musiciens.
Le son du groupe a donc dĂ©jĂ Ă©tĂ© trouvĂ© Ă ce moment-lĂ , mais on lâa tout de mĂȘme retravaillĂ© quand on a commencĂ© Ă faire de la musique tous les trois, ensemble, chez moi ici-mĂȘme, en bossant les premiĂšres dĂ©mos et chansons. On a voulu rĂ©adapter cette musique, en lui donnant un effet âwahouâ Ă trois. Et avec ce premier EP je crois quâon a rĂ©ussi Ă trouver un credo assez chouette, qui reste connectĂ© au single âFaçon façonâ mĂȘme si on sent que la musique est un peu diffĂ©rente dans la maniĂšre de faire.
« Des fois on a envie de chialer, des fois on a envie de rire, toutes ces différentes émotions ont vraiment leur place dans notre groupe. »
On sent en effet que vous vous situez avec cet EP dans le prolongement de ce premier single. Il contient la mĂȘme Ă©nergie, avec ses riffs dĂ©vastateurs et libĂ©rateurs, et des paroles qui contiennent comme une envie dâexprimer une invitation Ă lâĂ©panouissement, la libĂ©ration personnelle et Ă lâhĂ©donisme, face Ă des choses quâon peut sentir comme parfois limitantes. Je pense aux paroles « Ăa fait un bail que tu tâoublies Ă faire semblant, faudrait te laisser aller â dans « Amour de Vivre », ou encore « Et puis bois. Oui oublie tout, tâas le droit. Câest bon dâĂȘtre saoul. » dans la chanson « Les Astres ». Je suis dans le vrai ?
NoĂ©mie : Tu es carrĂ©ment dans le vrai je crois, hĂ©doniste ! (rires) En plus de ça on est trĂšs Ă lâaise les uns avec les autres avec nos sentiments, nos Ă©motions. Câest vrai quâon laisse vraiment la place au fait dâĂȘtre parfois tout pourris, ou gĂ©niaux. Des fois on a envie de chialer, des fois on a envie de rire, toutes ces diffĂ©rentes Ă©motions ont vraiment leur place dans notre groupe. Et câest aussi de ça dont on a envie de parler dans nos textes. Tu as citĂ© la chanson âLes astresâ et âAmour de vivreâ. âLes astresâ est une chanson que Nico a Ă©crite pour ses copines, et âAmour de vivreâ lâa Ă©tĂ© pour ses copains garçons. Il avait en tĂȘte lâidĂ©e de parler avec ses amis, de leur dire que âcâest ok dâĂȘtre comme ça, allons-yâ !
Câest vrai que les chansons s’adressent souvent Ă lâauditeur, comme si elles leur Ă©taient directement adressĂ©es, dans un esprit trĂšs collectif.
Anissa : Câest vrai quâon est un groupe dâamis Ă la base. Et ce qui est chouette pour nous câest que Barrio Colette est vraiment un mĂ©dium que lâon utilise pour sâexprimer. On sait que la voix centrale sera celle de NoĂ©mie, et comme on Ă©crit tous ensemble les textes dans le groupe, câest assez plaisant car on nâĂ©crit pas que pour nous. On sait que nos textes vont ĂȘtre chantĂ©s avec cette voix, et que lâon Ă©crit pas que pour nous! Par exemple, en Ă©crivant mes textes je sais quâils ne vont pas ĂȘtre chantĂ©s avec ma voix, et ça change beaucoup leur Ă©criture.
On se rend compte que si nos chansons donnent toute lâimpression dâĂȘtre celles dâun groupe dâamis parlant Ă un autre groupe dâamis, elles sonnent toute un peu diffĂ©remment car chaque chanson correspond Ă une maniĂšre pour chacun-e dâentre nous dâexprimer ses problĂšmes et ses ressentis. Et tout cela Ă travers NoĂ©mie donc, que lâon utilise un peu pour pouvoir placer des paroles et pouvoir dire des choses ! (rires)
NoĂ©mie : Le théùtre mâa beaucoup servi pour ça, car jâai la facultĂ© Ă interprĂ©ter des choses qui ne sont pas forcĂ©ment les miennes et Ă me les rĂ©approprier.
Ta voix est trĂšs expressive ! Dans une petite interview que vous donnez Ă La Tribune de GenĂšve, le journaliste cite les Rita Mitsouko, et jâavoue y avoir aussi pensĂ© en tâĂ©coutant, dans ton interprĂ©tation vocale. Est-ce que vous avez envie de dĂ©velopper encore un peu plus votre aspect théùtral, notamment sur scĂšne ?
NoĂ©mie : Oui, on rĂȘve dâun grand show. En plus on va faire une comĂ©die musicale en septembre dans un théùtre, et du coup on va piocher des idĂ©es lĂ -dedans, pour pouvoir les ressortir sur scĂšne plus tard. On ne sait pas encore quelle forme ça va prendre, mais dans lâidĂ©e il faut que ce soit chaud, libĂ©rateur. Vu que câest ce que crĂ©e notre musique, il faut quâen live il y ait ce mĂȘme effet, celui de se savoir capable de tout faire, que maintenant câest possible, quâon est tous capables de ⊠de vivre ! (rires)
Il y a déjà des petits gloussements, des petits bruitages, des petits ricanements qui participent à cet effet de musique « vivante » dans vos morceaux.
Anissa : Je suis glapisseuse professionnelle. On dirait que je suis une bourrĂ©e de fin de soirĂ©e qui sâest rajoutĂ©e Ă la musique, en train de commenter chaque mot, Ă coup de âwow wowâ âwouhhhâ. (rires) En fait jâai un autre groupe Ă cĂŽtĂ© qui sâappelle Bandit Voyage, et câest quelque chose que jâai vachement travaillĂ©, mĂȘme si câest un travail qui Ă©tait plus fort que moi. Disons que jâai trouvĂ© cette voie, Ă travers toutes mes rĂ©fĂ©rences et ce que jâĂ©coute. Ăa colle assez bien avec ma vie aussi, je suis assez observatrice et jâai toujours un petit commentaire Ă faire sur les choses. Et puis avec NoĂ©mie, on chante depuis longtemps ensemble et on a toujours voulu faire des backs.
Cela se rapproche aussi de ma maniĂšre de faire de la guitare, avec des petits solos bizarres. Câest donc une maniĂšre quâon a trouvĂ© ensemble pour enrober notre musique. Et puis il y un aspect rigolo, avec le cĂŽtĂ© théùtral, rock et en mĂȘme temps trĂšs chic de NoĂ©mie, et mon cĂŽtĂ© Ă moi un peu plus « ghetto ». Et câest comme ça quâon trouve lâĂ©quilibre.
NoĂ©mie : On est « ghetto chic », aha !
« On sâest rendu compte de la chance quâon avait dâavoir cet hĂ©ritage un peu diffĂ©rent, et on voulait se battre ensemble pour quâon nous Ă©coute un jour chanter en français. »

Tu parles de ton autre groupe Anissa, Bandit Voyage, issu Ă©galement de cette scĂšne genevoise, quâon connaĂźt trĂšs peu en France. Pourtant, Ă lâĂ©coute de la compilation de morceaux de groupes de cette scĂšne par Cheptel Records dont je parlais plus tĂŽt, jâai Ă©tĂ© vraiment sĂ©duit par cette mĂȘme Ă©nergie provenant de tous ces artistes. Vous avez des liens avec ces autres musiciens genevois ? Vous collaborez parfois ensemble ?
Anissa : Dans la scÚne genevoise musicale, on est tous hyper connectés. Il y a deux ans, Cheptel Records avait organisé une sorte de résidence, et on avait passé deux jours tels des hippies à composer et à faire de la musique. On fait aussi beaucoup de concerts et de co-plateaux avec les autres groupes de Cheptel. Il y a vraiment une scÚne genevoise. Avec mon autre groupe Bandit Voyage, on vient de signer avec le label Entreprise à Paris, mais avant, on était aussi chez Cheptel.
On sâinscrit dans la musique francophone, et il y a un vent qui est train de tourner, oĂč des gens comme toi mais Ă©galement des labels sont en train de se dire quâil y a QuĂ©bec, quâil y a la Belgique et maintenant Ă©galement la Suisse, oĂč lâon tombe assez rapidement sur Cheptel Records qui est un label qui a toujours dĂ©fendu son ADN francophone. Celui de chanter dans ta langue, dans celle que tu connais le mieux.
Câest un exercice difficile dâemployer le français pour la musique, câest moins instantanĂ©, moins pop, et on peut facilement prendre de nombreux chemins de traverse pour arriver Ă exprimer ce quâon veut dire, alors que la langue anglaise a souvent un cĂŽtĂ© plus direct. Mais on sâest rendu compte de la chance quâon avait dâavoir cet hĂ©ritage un peu diffĂ©rent, et on voulait se battre ensemble pour quâon nous Ă©coute un jour chanter en français.
Et vous Ă©crivez donc vos textes Ă trois tĂȘtes ?
NoĂ©mie : « Les Astres » et « Amour de vivre » ont Ă©tĂ© Ă©crits par Nicolas. « Filles Garçons » a Ă©tĂ© Ă©crit par Anissa, et de mon cĂŽtĂ© jâai Ă©crit « Pleurer en public ». Pour les compos, Anissa et Nicolas arrivent avec des accords mais ensuite on fait lâarrangement ensemble.
Anissa : On travaille ensemble Ă la fin, mais comme on lâĂ©voquait on est un vraiment un groupe dâamis oĂč chacun arrive avec un problĂšme, et demande alors de lâaide. On arrive donc avec des âtextes-problĂšmesâ, et ensemble on les chante, on les compose, et câest alors comme une sorte de thĂ©rapie. Quand quelquâun arrive avec un texte, on sâaide et puis on sâĂ©coute vraiment, et ensemble on essaye dâen faire une super chanson.
Vous aimez aussi ajouter un peu dâaciditĂ© Ă vos textes, comme un recul un peu ironique sur ce que vous vivez. Dans Filles Garçons, vous chantez âJe suis un garçon sensible, jâai mon Xanax Ă la ceinture.â
Noémie : ComplÚtement. Par contre, si la question est de savoir si on prend du Xanax ou pas, on ne te le dira pas, haha.
Le Colette dans le nom Barrio Colette, câest un attachement particulier Ă lâĂ©crivaine et Ă son Ćuvre ?
NoĂ©mie : Câest surtout que jâadore profondĂ©ment ce prĂ©nom, je pense que ma fille sâappellera comme ça. Câest aussi le prĂ©nom de la grand-mĂšre dâAnissa et le nom du chat de Nicolas ! Les Ă©toiles se sont donc alignĂ©es au mĂȘme moment.
Anissa : On adore lâauteure aussi, mais en tout cas NoĂ©mie a toujours eu ce prĂ©nom avec elle. Elle me disait toujours âColette, Coletteâ. Câest comme si cette Colette existait dĂ©jĂ !
NoĂ©mie : En fait je ne sais mĂȘme pas si je veux avoir des enfants, mais jâadore lâidĂ©e de prĂ©nommer ma fille Colette (rires) ! Ăa fait prĂ©nom de personnage hyper cool.
Et par ailleurs, vous avez d’autres inspirations artistiques ou littĂ©raires au sein du groupe, pour votre Ă©criture ?
NoĂ©mie : Je suis obsĂ©dĂ©e par le roman Gros-CĂąlin de Romain Gary. Le petit bout de phrase de la chanson âPleurer en publicâ, âdans un but affectifâ, vient de lĂ . Il y a tout un paragraphe sur les buts affectifs dans ce livre. Jâadore ce terme, je le trouve hyper beau.
Anissa : Il y a plein dâauteurs aussi pour moi, je ne vais pas tous les citer mais câest clair que plus tu lis de choses plus tu deviens une sorte de vase gĂ©ant en puisant dans des phrases, des passages de livres. Tu as besoin dâavoir des mentors comme les auteurs dans la vie, qui tâaident, en dehors de tes parents ou de tes amis. Et on adore lire dans Barrio Colette, nous sommes un groupe lettrĂ© ! (rires)
« On sâest imaginĂ© un monde futur oĂč Ă force de faire des compromis, il ne nous restera peut-ĂȘtre pas grand-chose si ce nâest la mort. »
On retient en tout cas des petits bouts de phrases dans vos chansons. Jâai une question sur âFaçon façonâ, votre premier single. Quâest ce que câest que dâaimer âfaçon façonâ ? Jâai eu lâimpression de comprendre ce que ça voulait dire en lâĂ©coutant, mais je ne suis pas sĂ»r de moi !
NoĂ©mie : Il y a une histoire derriĂšre cette chanson. Aucun de nous trois ne lâa Ă©crite.
Jâai reçu une fois ce texte dâune femme avec laquelle je travaillais. Elle me disait que jâavais une façon dâaimer qui Ă©tait âfaçon façonâ câest-Ă -dire que je dispersais mon amour en permanence. Je pense quâelle voulait me faire passer un message. Elle sâest fait des films. Beaucoup de personnes ont tendance Ă penser que je suis amoureuse dâelles. Pour elle, câĂ©tait un peu comme âaimer façon façonâ, ou encore âĂȘtre un robot façon façon.â CâĂ©tait sa façon de me voir. Et je trouvais beau de chanter la façon que quelquâun avait de me voir, pas forcĂ©ment incroyable, mais qui Ă©tait celle-lĂ . Jâai trouvĂ© le texte trĂšs beau, câĂ©tait comme un poĂšme. CâĂ©tait aussi beau de transcender un texte qui mâa fait un peu mal mais que je trouvais en mĂȘme temps hyper bien. Je me suis dit que jâallais en faire quelque chose.
Anissa : CâĂ©tait un exercice de chanteuse. Il y a souvent des chanteurs-euses qui sont uniquement interprĂštes. Ăa nous intĂ©ressait de commencer le projet avec NoĂ©mie âen mode interprĂ©tationâ. Câest dĂ©jĂ Ă©norme dâinterprĂ©ter un texte, et on voulait commencer avec un texte pour chanteuse.
Parlons maintenant du clip de âFilles Garçonsâ, votre seul clip pour le moment. (NDLR : depuis la rĂ©alisation de lâinterview le clip du morceau âLes Astresâ est sorti.) Une rĂ©ussite je trouve, Ă la maniĂšre dâune vieux show tĂ©lĂ©visĂ© sâintitulant âUne chanson une vieâ oĂč un groupe doit chanter la chanson de sa vie, sans deuxiĂšme chance. On ne peut pas sâempĂȘcher de penser au contexte de cette annĂ©e, oĂč il nây a pas eu de live.
NoĂ©mie : Câest vrai que câest un peu en lien avec le contexte actuel. On sâest imaginĂ© un monde futur oĂč Ă force de faire des compromis, il ne nous restera peut-ĂȘtre pas grand-chose si ce nâest la mort. Avec Anissa on a aussi regardĂ© beaucoup dâarchives, notamment celles de la Radio TĂ©lĂ©vision Suisse (RTS) oĂč beaucoup de chanteurs dans les annĂ©es 70 Ă 90 venaient interprĂ©ter une chanson pour prĂ©senter le groupe, et puis basta ! On a donc ajoutĂ© ce cĂŽtĂ© rĂ©tro qui met un peu de recul, parce qu’on n’avait pas envie dâĂȘtre trop tragique. Il fallait trouver une forme esthĂ©tique. Et puis, câĂ©tait aussi une bonne maniĂšre dâexprimer oĂč on en Ă©tait tous, et on Ă©tait presque prĂȘts Ă mourir. On nous a tellement rappelĂ© dâune certaine maniĂšre quâaller voir des concerts allait nous tuer ⊠Le clip Ă©tait donc une bonne façon de parler de tout ça, de maniĂšre un peu dĂ©tournĂ©e, sans en faire un sort. Câest ma nouvelle expression favorite : âen faire un sort!â (rires)
Il y aussi le monologue de la prĂ©sentatrice du dĂ©but du clip que je trouve scotchant ⊠On se demande alors bien ce quâil va passer sur scĂšne âŠ
NoĂ©mie : Câest fantastique, hein ? Et puis on a compilĂ© nos rĂȘves. Anissa rĂȘvait dâĂ©crire pour le théùtre, et câest ce quâelle a fait. Tout ce quâon rĂȘve de faire, on le fait !
Anissa : LâidĂ©e du clip est au dĂ©but celle de deux personnes, NoĂ©mie et moi, fascinĂ©es par les lives Ă la tĂ©lĂ© suisse, en ajoutant un petit trick qui fait que si on regarde le clip dans vingt ans, on saura bien quâil y a un cĂŽtĂ© dĂ©calĂ© et quâon ne se situe pas exactement dans un vrai live.
Au dĂ©but, on voulait vraiment dâailleurs que ce soit un vrai live, et que les gens qui regardent la vidĂ©o se disent quâils sont devant un vrai groupe des annĂ©es 70. Et un jour on a pensĂ© quâil fallait quand mĂȘme dĂ©caler notre idĂ©e initiale pour quâon ait aussi lâimpression que le clip forme une Ćuvre Ă part entiĂšre. Câest ce qui nous a intĂ©ressĂ© : prendre un format qui existait dĂ©jĂ et lâemmener dans un endroit oĂč les gens vont se dire quâil y a un truc bizarre.
Et on a en effet reçu beaucoup de commentaires oĂč les gens faisaient le rapprochement avec une parodie des Inconnus ou des Nuls. Je pense quâon peut se demander si le clip provient dâun collectif dâhumoristes, de musiciens, ou dâacteurs.
Câest cette dimension burlesque et visuelle qui fait tout le sel de votre groupe je trouve. Et on doit vous le dire souvent, mais on pense Ă d’autres groupes actuels qui ont ce mĂȘme genre de dimensions, comme La Femme par exemple, mĂȘme si cette comparaison peut ĂȘtre rĂ©barbative Ă force dâĂȘtre plaquĂ©e un peu partout jâimagine. Quels sont les artistes ou groupes francophones actuels qui vous inspirent dâailleurs ?
NoĂ©mie : Jâai une passion pour Juliette Armanet, qui est comme mon « xanax » vraiment ! Jâai eu un moment de dĂ©prime, et lorsque jâĂ©coutais sa voix jâavais une sensation dâapaisement.
Anissa : JâĂ©coute principalement beaucoup de musiques de personnes aujourdâhui disparues. Jâai une passion pour le rock anglais qui est assez forte. Jâadore aussi la scĂšne quĂ©bĂ©coise. Je ne sais pas si tu connais lâartiste Pâtit Belliveau, du label Bonsoud. Je trouve que le QuĂ©bec a vraiment quelque chose que la France, la Belgique ou la Suisse nâont pas forcĂ©ment. Ils osent aller dans un absurde extrĂȘme et le public suit. Ici, en Europe, quand tu vas dans un univers trop extrĂȘme, on tâavertit vite du fait que les gens ont quand mĂȘme envie de comprendre. Jâai lâimpression quâau QuĂ©bec, on sâen fout de comprendre, les gens adorent ĂȘtre pris dans une vague dâune musique intense, avec des univers visuels assez extrĂȘmes. Je ne sais pas si tu connais aussi KlĂŽ Pelgag ? Elle est incroyable. Beaucoup dâartistes vont au fond de leurs envies.
Avec Barrio Colette, on essaie dâĂȘtre dans ce sillon-lĂ , mĂȘme si on a un cĂŽtĂ© aussi plus concret, celui de faire de la pop Ă©coutable, de la « pop variĂ©tĂ©s », qui peut passer parfois Ă la radio.
Ăa sâest passĂ© comment pour vous cette pĂ©riode de gel des concerts ? Vous en avez profitĂ© pour vous recentrer et ĂȘtre productif sur votre musique ou vous avez plutĂŽt connu une panne dâinspiration ?
Anissa : Ăa a Ă©tĂ© en double teinte. On a vu dĂ©filer beaucoup de mĂšmes sur les rĂ©seaux du genre : « la premiĂšre semaine je vais Ă©crire mon livre autobiographique, la deuxiĂšme semaine je vais faire un album, la troisiĂšme semaine je vais mâoccuper de mon jardin et la quatriĂšme semaine je reste au lit pendant des mois Ă ne rien faire ». Parce que câest trop dur en fait, dâavoir trop de temps, puis pas assez, trop de pression, pas assez de pression ⊠CâĂ©tait une sale pĂ©riode pour tout le monde, on a tous fait ce quâon pouvait, et sâil en sort ne serait-ce quâune chanson, câest dĂ©jĂ gĂ©nial. On ne sâest pas mis la pression.
NoĂ©mie : Câest bien dit, on a tous fait ce quâon pouvait !
Merci pour vos rĂ©ponses ! On finit comme toujours nos interviews par les deux mĂȘmes habituelles questions. La premiĂšre : quels sont pour vous les ingrĂ©dients essentiels dâune chanson ? Quâest ce qui fait son essence ?
NoĂ©mie : Pour le moment, câest nous trois, ensemble.
Une énergie collective ?
Anissa : Oui, câest sĂ»r. AprĂšs il y a toujours un Ă©quilibre Ă trouver entre une totale folie, une structure, une envie ⊠Ces trois choses, câest dĂ©jĂ pas mal. Et puis arriver Ă garder une libertĂ©. MĂȘme si on a envie dâĂȘtre Ă©coutĂ©s et compris, il faut garder une libertĂ© pour pouvoir proposer des surprises, et ne pas garder toujours la mĂȘme recette.
Ma rĂ©ponse Ă ta question serait dâailleurs peut-ĂȘtre : ne jamais avoir de recettes.
Enfin, vous pouvez nous citer toutes les deux une chanson francophone que vous aimez !
Anissa (Ă NoĂ©mie) : On pense toutes les deux Ă la mĂȘme ?
NoĂ©mie : J’espĂšre !
Anissa : On essaye de la dire ensemble ?
Toutes les deux en choeur : Message Personnel de Françoise Hardy !
NoĂ©mie : On lâĂ©coute en boucle.
Anissa : Câest la premiĂšre chanson quâon a chantĂ©e ensemble et qui nous a donnĂ© envie de crĂ©er un groupe.
Câest fou comme Françoise Hardy a influencĂ© de nombreux artistes ou groupes actuels chantant en français.
NoĂ©mie : Ăa arrive droit au cĆur, elle a compris comment faire pour parler aux gens.
Anissa : Et puis elle a créé des chansons tellement personnelles, du fait de sa guitare, sa voix, mĂȘme si dans un second temps elle a collaborĂ© avec de nombreux musiciens. Mais lâessence de Françoise Hardy, câest elle-mĂȘme et je crois quâĂ cette Ă©poque on avait moins cette habitude de femme forte qui avait son mot Ă dire sur la mode, la musique, les textes. Elle faisait tout. Donc grand respect Ă cette femme qui a rĂ©volutionnĂ© la musique française !
NoĂ©mie : Et lâastrologie !
Lâastrologie ?
Anissa : Elle est devenue astrologue, surtout Ă un moment oĂč une nouvelle scĂšne française arrivait dans les annĂ©es 80 ou 90, et elle avait envie de prendre de la distance avec la musique. Et puis elle est revenue plus tard dans la musique. Donc, grande dame quoi !
Je ne sais pas comment elle fait, dans ses chansons il y a de la lĂ©gĂšretĂ© et une grande profondeur. Elle est capable de tâarracher le cĆur avec des phrases simples et dures, le tout avec une voix et une prĂ©sence formidable. Ses chansons ont en tout cas trouvĂ© de vĂ©ritables rĂ©ponses pour continuer Ă vivre ma vie !
Merci Anissa et Noémie !! Au plaisir de vous voir monter sur scÚne, en France pourquoi pas ?
Barrio Colette x Amour de vivre x paru le 23 avril 2021 (Cheptel Records)

Les pistes de l’EP :
- Les astres
- Amour de vivre
- Filles garçons
- Pleurer en public
https://www.instagram.com/barriocolette/?hl=fr
https://cheptelrecords.bandcamp.com/album/chptl-051-amour-de-vivre
Propos recueillis par Simdo
Remerciements Ă Alexandra Lebrethon
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